La Tentation d’exister au Théâtre NoNo
Le théâtre, à la folie
En pleine tournée de Jésus de Marseille, Christian Mazzuchini se prend de passion pour la poésie du regretté Christophe Tarkos. Portrait d’un comédien impatient d’exister.
Les yeux bleus persans, le sourire aux lèvres, un anneau à l’oreille droite… aujourd’hui encore, Christian Mazzuchini n’a rien perdu de son impatience : « La machine était lancée, je ne pouvais plus m’arrêter, c’était trop urgent pour moi. » Lorsqu’on lui tend il y a deux ans le livre du poète marseillais Christophe Tarkos — décédé en 2004 — et « un CD où on l’entend improviser », l’acteur est tout d’abord surpris : il ne connaît pas cet auteur. Mais il est rapidement touché par « cette poésie subversive capable de faire éclater tous les codes. » Il décide donc d’adapter pour la scène les textes du poète marseillais, empruntant le titre La Tentation d’exister à Emil Michel Cioran. « C’est un bouquin que je n’ai jamais pu lire jusqu’au bout. J’ai uniquement retenu le titre, qui me plaisait. Il correspondait parfaitement à Tarkos, car il avait une urgence à dire les choses, vu qu’il était malade. »
Mazzuchini joue seul, son visage scindé en deux par un trait blanc vertical. Une référence autant à la phrase d’Artaud « Je ne suis pas mort, mais je suis séparé » qu’aux Peuls du Niger, « un peuple magnifique qui porte ce maquillage ». Il mélange les textes de Tarkos et des paroles traduites en romanès (il est d’origine manouche), tirées d’un carnet qu’il porte toujours sur lui.
A l’âge de sept ans, c’est la révélation. Un dimanche, au lieu d’aller à la messe, « dirigée par [mon] grand-père », il regarde pour la première fois la télé, et plus particulièrement l’émission cinéma La Séquence du spectateur, qui présente un extrait du Kid de Chaplin. « Je vois ça et je tombe. Je me dis si on peut faire ça, moi je veux faire ça, je VAIS faire ça. Ça a été une libération. »
Christian Mazzuchini commence le théâtre amateur à l’âge de quinze ans à Grenade-sur-Garonne, près de Montauban, où il est né. Il n’y restera pas, malgré des débuts professionnels à Toulouse, préférant intégrer une école « expérimentale » à Lyon. Formé par des intervenants extérieurs venus de toute l’Europe, il participe à de nombreux projets, notamment une création au Printemps de Bourges, où il travaillera pendant quatre ans. « Cela m’a permis de rencontrer plein de gens. Je faisais beaucoup de théâtre. Mais je me suis aperçu que beaucoup d’acteurs qui jouent dans de grosses pièces ne se remettaient jamais en question. J’étais préoccupé, il fallait que je rencontre et intègre les personnes de la ville dans mes spectacles, c’est pourquoi j’ai créé Les Gens d’ici, à partir des textes de Serge Valletti. Le théâtre entre nous, c’est bien, mais il faut s’ouvrir aux autres. Et se demander comment faire venir d’autres gens au théâtre. »
Même si le comédien est seul sur scène dans La Tentation d’exister, il garde cette envie de partager des choses fortes avec le public. Créée au 3bisF, ce centre d’art situé au cœur de l’hôpital psychiatrique d’Aix-en-Provence, la pièce évoque la folie, omniprésente dans ses spectacles. Sa prochaine création, Dingo Dingue, est prévue pour février 2016.
Juliet Verbiguié
La Tentation d’exister : le 15/11 au Théâtre NoNo (35 traverse de Carthage, 8e).
Rens. : 04 91 75 64 59 / www.theatre-nono.com
Pour en (sa)voir plus : https://www.facebook.com/pages/Christian-Mazzuchini/172088427401?ref=ts&fref=ts