Tentative d’incarnation d’un nuage
Avec Nuage en pantalon, les élèves de l’ERAC tentent d’approcher la poésie de Maïakovski. Révolté, survolté, un concentré d’images fulgurantes, qu’il est difficile de mettre en scène avec la même densité… (lire la suite)
Avec Nuage en pantalon, les élèves de l’ERAC tentent d’approcher la poésie de Maïakovski. Révolté, survolté, un concentré d’images fulgurantes, qu’il est difficile de mettre en scène avec la même densité…
L’histoire dit qu’il parcourait les routes de l’ex-URSS, après la Révolution, pour lire ses œuvres à voix haute. « Je ne serai plus un homme, mais un nuage en pantalon », écrira-t-il — profession de foi d’un poète qui dédiera sa vie au verbe. Révolutionnaire à quinze ans, entré en littérature trois ans plus tard, exécré par la critique officielle, Vladimir Maïakovski se suicidera d’une balle de revolver à trente-sept ans. Avec Nuage en pantalon, Nadia Vonderheyden relève le pari de mettre en scène et d’incarner, avec les élèves-comédiens de troisième année de l’ERAC (Ecole régionale d’acteurs de Cannes), l’écriture fulgurante de Maïakovski — complétée d’un texte de sa contemporaine Marina Tsvetaïeva : « Ces auteurs témoignent de la circulation d’une parole poétique attentive aux bouleversements nés de la révolution. De telles périodes de mutation ne nous sont pas étrangères. » A la multitude d’images qui se bousculent dans les vers du poète répond, comme en miroir, une mise en scène foisonnante et « éclatée » : les costumes disparates évoquent toutes les sphères de la société, les éclairages multiplient les ombres projetées, la scène est divisée par de grands rideaux de mousseline transparente derrière lesquels s’esquissent simultanément des scènes ou des tableaux… Au final, l’écoute du texte est parfois étouffée par cette profusion pourtant parfaitement réglée, et une certaine monotonie finit par s’installer, malgré la belle qualité de présence des comédiens. C’est que la parole singulière de Maïakovski ne trouve peut-être sa pleine mesure que lorsque la mise en scène se simplifie à l’extrême. Assis, le dos rond, comme un fou qui soliloque et interpelle les passants, un comédien plante son regard dans celui du public : « Vous avez moins d’émeraudes de folie que le mendiant n’a de sous. » Ce n’est pas la peine d’en rajouter…
FF
Jusqu’au 10/06 à La Friche la Belle de Mai. Entrée libre sur réservation au 04 93 38 73 30.