Terra Cognita aux Bancs Publics
Si loin, si proches
Aux Bancs Publics, la compagnie L’Orpheline est une épine dans le pied met à l’épreuve d’un plateau le face-à-face avec l’étranger.
Quand on vit à Marseille, peut-être encore plus qu’ailleurs, on vit avec l’autre, cet étranger. On est obligé de regarder de l’autre côté du port, de l’autre côté de la mer, sur la rive d’en face, cette rive qui s’est rapprochée jusqu’à se confondre avec la nôtre.
Dans sa nouvelle création, la compagnie L’Orpheline est une épine dans le pied propose une incursion dans nos propres territoires de pensée. En analysant nos représentations de l’étranger, à travers des sources savantes qui croisent les champs des sciences humaines — la compagnie a utilisé les écrits du sociologue Abdelmalek Sayad, de l’ethnologue Claude Levi-Strauss et de Frantz Fanon, psychiatre de la négritude —, le quatuor de comédiens recense nos paroles les moins avouables et/ou les plus banales au sujet de l’étranger. Toujours sous l’œil avisé de Guillaume Quiquerez, la compagnie trouve ici un équilibre entre l’acte politique et l’acte théâtral. Ou plutôt les amalgame avec un humour toujours sur le fil. Ici, point de militantisme, l’acte de porter cette préoccupation sur scène est déjà bien assez signifiant. Outre l’initiative, on saluera surtout la réalisation et la recherche de l’authentique des situations. Porté par des comédiens de divers horizons et aux expériences diverses — l’excellent et unique Eric Houzelot, la facétieuse Julie Kretzschmar, le « très présent » Samir El Hakim, la jeune et fraîche Sharmila Naudou —, Terra Cognita nous invite au voyage de notre côté. On y parle, on y joue, on y chante l’immigration. Une immigration qui, finalement, balaie nos propres représentations, dans ce qu’elles ont de plus drôle ou de plus amer.
Joanna Selvidès
Terra Cognita : du 22 au 24/04 aux Bancs Publics (10 rue Ricard, 3e). Rens. 04 91 64 60 00 / http://lesbancspublics.com