The Chaser – (Corée du Sud – 2h03) de Na Hong-Jin avec Kim Yoon-seok, Ha Jeong-woo…
Attrape-moi si tu peux
On sait le polar coréen contemporain capable du meilleur (le mémorable Memories of murder du brillant Bong Joon-ho en 2004) comme du pire (les lassantes variations vengeresses de Park Chan-wook). On sait surtout qu’il peut constituer un étonnant laboratoire d’expérimentations formelles, pour peu que l’on veuille bien s’y intéresser de plus près. Exemple type, ce Chaser qui, avec son pitch d’une simplicité proverbiale (un ex-flic reconverti en proxénète tente de sauver la dernière victime d’un serial killer), semble exclusivement préoccupé par des questions d’énergie et de dépense physique. Ici, comme dans Memories of murder, l’enjeu est moins la résolution d’une intrigue jouée d’avance (le tueur est arrêté dès la première bobine) que la mise en scène d’une impuissance fondamentale. Celle de la police, brocardée avec un cynisme réjouissant, mais surtout celle du héros, salopard notoire incapable de réussir sa rédemption. Il court, arpente les rues d’un quartier de Séoul, s’acharne sur ses dix portables… Tout cela en pure perte : le tueur résiste, persiste à creuser un vide insondable au cœur de l’image. C’est d’ailleurs dans cette capacité à porter une fiction de la défaite, à faire s’échouer chaque piste narrative ou psychologique sur le mur de son pervers de service que Na Hong-jin impressionne le plus. Tout en ruptures et en accélérations, utilisant à merveille la verticalité du décor, son Chaser s’élève ainsi bien au-dessus du simple film d’ambiance humide et poisseux. Et même si le dénouement poussif fait descendre un peu trop vite le palpitant du spectateur, ces deux heures de traque tendue suffisent à nous donner envie de revoir le réalisateur sur un autre terrain.
Romain Carlioz