The Good German – (USA – 1h46) de Steven Soderbergh avec George Clooney, Cate Blanchett…
Depuis maintenant une vingtaine d’années, le toujours aussi juvénile Steven Soderbergh poursuit une trajectoire étonnamment cohérente dans le cinéma hollywoodien. On connaît ses obsessions pour les questions de représentation… (lire la suite)
Il faut sauver le soldat Soderbergh
Depuis maintenant une vingtaine d’années, le toujours aussi juvénile Steven Soderbergh poursuit une trajectoire étonnamment cohérente dans le cinéma hollywoodien. On connaît ses obsessions pour les questions de représentation, d’image et de stérilité (dans tous les sens du terme). En bon cinéaste post-moderne, il est hanté par la reproduction, la copie, au point d’en faire le principal motif de son œuvre depuis Traffic. Par bien des aspects, The Good German en constitue donc l’expérience limite et, de ce fait, peut-être la plus expérimentale. L’hommage aux films d’espionnage d’après-guerre (entre autres citations plus ou moins explicites : La Scandaleuse de Berlin de Billy Wilder, Berlin Express de Jacques Tourneur, Casablanca de Michael Curtiz) est ici bien trop appuyé pour être honnête. De la pellicule hypersensible aux contrastes sophistiqués de la lumière, en passant par tout un habillage d’époque (le logo « Warner », les effets spéciaux, la calligraphie du générique), tout est ici frappé du sceau de la reproduction consciente, presque maniaque. Cet étrange décalage n’est d’ailleurs pas sans susciter un certain sentiment de vertige. Pourtant, tout cet apparat ne fait illusion que le temps d’une bobine. Car en atteignant la frontière de son cinéma (la copie parfaite), Soderbergh en a peut-être aussi touché le fond. Dans Ocean’s Eleven comme dans Solaris, la certitude que la mort du classicisme était un motif de fertilité pour le cinéma aboutissait à un ensemble « pop », à la fois ludique et fascinant. Aujourd’hui, Soderbergh ressemble de plus en plus au personnage central de Sexe, Mensonges et Vidéo : il est impuissant face à l’inévitable vacuité de son dispositif. Malheureusement pour lui, le spectateur n’est pas toujours frigide.
Romain Carlioz