The Queen – (Grande-Bretagne – 1h39) de Stephen Frears avec Helen Mirren, James Cromwell…
Une fois n’est pas coutume, un peu d’histoire du cinéma appliquée aux plus effarantes supercheries du XXe siècle. C’était à la fin des années 80, dans la foulée de My Beautiful Laundrette : une frange… (lire la suite)
Manque de Blair
Une fois n’est pas coutume, un peu d’histoire du cinéma appliquée aux plus effarantes supercheries du XXe siècle. C’était à la fin des années 80, dans la foulée de My Beautiful Laundrette : une frange un peu romantique des cinéphiles français s’entichait de ce « nouveau » cinéma anglais, soigneux et attaché aux grandes problématiques sociales. Ah ! Comme tout cela paraît loin, soupire le néo-critique misanthrope qui a encore du mal à croire qu’on ait pu miser un penny sur Stephen Frears. Et autant dire que la vision vaguement amusée de The Queen éclaire encore un peu plus le (long) chemin parcouru depuis. Voilà donc ce qui est censé être le portrait de l’actuelle reine d’Angleterre, une satire en prise directe avec son temps, comme savent si bien le faire les Anglais (mais ils le font mieux à la télé, à vrai dire). Est-ce l’ambiance délicieusement ouatée des palais royaux ou bien le regard éternellement vide de la reine d’Angleterre ? Toujours est-il que cela ressemble fort à un mauvais caramel mou. Pour pouvoir se saisir de manière convaincante d’une personnalité politique (en exercice ou pas), il faut non seulement un brin d’humour, mais surtout un vrai parti pris de représentation, une intuition figurative qui permet d’éviter les dangers d’une confrontation directe avec le corps du délit. De l’humour, Frears en a à revendre, mais la naïveté avec laquelle il tombe scrupuleusement dans chacun des pièges que lui tend le récit est, à ce titre, presque touchante. Le premier de tous étant sans doute l’écueil du mimétisme, fâcheuse manie qui pousse chaque acteur à s’investir physiquement dans son rôle, à tel point qu’il ne reste plus de lui que les reliques usagées d’un corps qui ne lui sied pas. Souvenons-nous des affreux cabotinages de Nicholson en Nixon (Nixon d’Oliver Stone), Travolta en Clinton (Primary Colors de Mike Nichols) ou, plus près de nous, de Bouquet en Mitterrand (Le Promeneur du Champ de Mars de Robert Guédiguian). On en passe et des meilleurs… Helen Mirren en Elizabeth II et Michael Sheen en Tony Blair viennent donc rejoindre la cohorte des performances tape-à-l’œil qui ne font illusion que l’espace d’un clignement d’œil. Mais le pire dans tout ça, c’est peut-être la condescendance chafouine avec laquelle Frears s’attache aux basques d’une reine qui ne le méritait pas forcément, tant et si bien que le cinéaste finit par ressembler au Tony Blair qu’il fustige, à un autre courtisan. Le film correspond alors parfaitement à son affiche : l’apologie grisâtre de quelques icônes de naphtaline.
Romain Carlioz