Parcours et choix artistiques de Thierry Ollat, nouveau directeur du Musée d’Art Contemporain, qui restructure l’identité du lieu autour de l’ouverture en permanence de la collection. Plus que l’expérimentation, il serait question de consolider le rôle du musée auprès des publics… (lire la suite)
Parcours et choix artistiques de Thierry Ollat, nouveau directeur du Musée d’Art Contemporain, qui restructure l’identité du lieu autour de l’ouverture en permanence de la collection. Plus que l’expérimentation, il serait question de consolider le rôle du musée auprès des publics.
Quand Nathalie Ergino arrive à la direction du (mac) en 2001, l’enthousiasme est à la hauteur du nombre de projets : trois expos par an, une nouvelle project-room pour les jeunes artistes, la redynamisation d’un programme de rencontres, une librairie de revues et catalogues, la diversification des formats et actions de communication… Après trois ans et quelques expos remarquables, les réductions budgétaires, la lourdeur d’une régie municipale et le visible désintérêt des responsables politiques locaux vis-à-vis de l’art contemporain ont quelque peu ébranlé l’élan de départ. Nommé directeur depuis mars, Thierry Ollat connaît bien le contexte et présente son programme sous un angle pragmatique. La collection devient la colonne vertébrale du musée, se réappropriant la moitié de l’espace avec des présentations thématiques de neuf mois. Pour Thierry Ollat, il s’agit de consolider l’identité du musée (qui restera ainsi ouvert sans interruption) auprès des publics. Un changement de taille, auquel s’ajoutent les prêts d’œuvres d’autres musées de façon à combler les nombreuses lacunes du (mac) — difficile de donner à voir un panorama de la création avec trois acquisitions par an ! Chaque nouveau directeur apporte sa réponse à la difficile conjugaison des mots « musée » et « art contemporain » : lieu de rétrospectives et de confirmation d’un parcours établi ou laboratoire en prise avec le flux et les bouleversements de la création ? Les deux ne seraient pas incompatibles, mais, dans les musées implantés en région, la prise de risques et l’expérimentation font souvent les frais du régime de « l’audimat » et des aléas des enjeux politiques. On ne peut alors que regretter la suppression de la project-room, dont le rôle prospectif et réactif s’avère indispensable dans un musée qui est aussi celui de l’art « en train de se faire ». Elle sera remplacée a minima par le module Actualité qui exposera des projets de commande publique en parallèle avec des interventions d’artistes installés à Marseille. Dans la valise du nouveau responsable, un programme se dessine jusqu’en 2009[1]. Et pour l’année prochaine, la Ville a proposé l’organisation d’un « grand événement » autour de l’art contemporain — dont il ne sera plus question avant 2011 avec l’exposition Jour de Fête, de Monet à Jasper Johns. Thierry Ollat commence à dessiner trois parcours dans la ville, de la Vieille Charité aux Ateliers d’Artistes en passant par la Friche, en collaboration avec Jean-Pierre Rehm (directeur du FID) et Françoise Guichon (directrice de Centre International de Recherche sur le Verre et les Arts Plastiques, très actif à Marseille). Suite au refus de faire venir à Marseille la plus importante biennale des Etats-Unis (le Whitney), le projet concernera les derniers quarante ans de la « scène » artistique marseillaise. Conscient de l’écueil d’un angle thématique local dans un contexte de mobilité permanente des artistes (et face à l’insupportable bêtise de ceux qui voudraient maintenant réduire l’immense Cézanne en promoteur touristique des paysages de Provence), la réflexion s’élargira aux points de contact entre la ville et les trajectoires des artistes. Une dynamique que Thierry Ollat connaît de l’intérieur. Son parcours passe d’abord par Lyon où il découvre l’art contemporain à l’ELAC au début des années 80, après des études d’archéologie (« Les problèmes politiques posés par les recherches m’ont renvoyé vers les artistes qui les posent directement à notre temps »). Après un passage par la galerie Farideh Cadot à Paris (où il croise la « figuration libre », mais aussi Meret Oppenheim et Marcus Raetz), il intègre la première année de l’école du Magasin à Grenoble. Un cursus novateur en parallèle d’un centre d’art, l’épicentre d’une « scène » grenobloise qui remuera les débats artistiques : influencés par deux artistes marquants de l’école d’art (Ange Leccia et Jean-Luc Vilmouth), les cadets Philippe Parreno, Dominique Gonzalez-Foerster ou Pierre Joseph deviendront les figures centrales de « l’esthétique relationnelle » des années 90. Thierry Ollat en réunit quelques-uns au Magasin pour l’expo I, Myself and the Others qu’il organise en 1992. Auparavant, il aura accompagné Adelina von Furstenberg dans son projet pour le centre d’art de Genève (où Buren proposait d’emballer un musée) et demeurera son assistant pendant six ans au Magasin (expos de Gino de Dominicis, Alighiero Boetti ou Vito Acconci). Arrivé à Marseille en 1995 pour diriger les Ateliers d’Artistes, il restructure entièrement le lieu avec un programme ambitieux d’expositions à la fois tourné vers l’extérieur (Beat Streuli, Huang Yong Ping, Johan Muyle, Giuseppe Caccavale, Marie José Burki) et très impliqué au niveau des artistes locaux (dont le point d’orgue a été Faits Sur Mesure à la Vieille Charité). La publication de catalogues, les échanges internationaux et quelques-unes des plus marquantes expositions collectives organisées à Marseille (Perception nomades/ espaces urbains, Odyssée 2001, Ça s’ouvre ? Ça s’ouvre pas ?) assurent à la structure un rôle fondamental dans le tissu culturel. Pourtant, la situation de crise qu’elle traverse depuis la perte de son statut associatif pour intégrer la régie municipale des musées (un directeur sans équipe avec un budget réduit) interroge l’absence de projets d’une politique culturelle jusqu’ici indifférente aux potentialités de ce lieu. Tandis que les Ateliers attendent un nouveau directeur, Thierry Ollat déploie déjà son énergie ailleurs. Un nouveau départ.
Pedro Morais
Notes
[1] Après Claude Lévêque et la collection de Roger Pailhas (prévues par l’ex-directrice), on y trouvera Peter Friedl, Tony Grand, Broken Memory (autour de la question post-coloniale, en collaboration avec différents musées), Janet Cardiff, Catherine Sullivan, Parade (autour de la peinture) et Private Strategies for Public Control (trois poids lourds : Warhol, Vito Accounci et Felix Gonzalez-Torres).