Tomi Ungerer – Le singulier bestiaire aux ABD Gaston Defferre
Pense bête
Pour Tomi Ungerer, le dessin, au-delà de son aspect ludique, doit être le vecteur d’une transmission de morale humaniste. Dont acte avec Le singulier bestiaire, une exposition d’envergure consacrée à l’artiste aux ABD Gaston Defferre.
Dépeindre les animaux de notre société, telle est la tâche à laquelle s’est attelé Ungerer au sein d’une œuvre extrêmement riche et variée. L’artiste fait subir des métamorphoses étranges et saugrenues à ses animaux, au point que très vite une question se pose : de quel bestiaire parle-t-on ? Il nous faut alors convoquer un terme quelque peu barbare pour expliciter sa démarche : la physiogonomie. A savoir la science qui permet de connaître le caractère des gens en étudiant leur physionomie, en observant attentivement l’ensemble des traits puis, plus particulièrement, chacun d’entre eux. Il faut donc s’appliquer à connaître les signes caractéristiques de chaque tempérament, de chaque physionomie. Une fois initié à cet art, encore faut-il être un magicien pour parvenir à offrir une image hybride où mondes animal et humain ne font qu’un. Il va sans dire que le travail d’Ungerer fait écho à cette phrase de La Fontaine : « Je me sers d’animaux pour instruire les hommes ». Ainsi, qu’il soit enfant ou adulte, le spectateur déambule et s’émerveille devant les différentes séries proposées, qu’il s’agisse de ses illustrations de livres pour enfants (Les Trois Brigands, Les Mellops, Zloty…), de ses planches publicitaires ou de travaux plus personnels. La série Clic Clac présente ainsi des collages relevant de la tradition surréaliste (Max Ernst et Picabia), dessins tracés à la plume et à l’encre de Chine, complétés par des collages de découpages de matériaux divers, allant de la photographie à la plante séchée. On pense également à Picasso pour les sculptures réalisées à partir de matériaux de récupération. Plus grave et plus engagée, la série Amnesty Animal est un véritable plaidoyer en faveur de la protection des animaux, où l’artiste dénonce les maltraitances des hommes envers les bêtes : chasse des espèces rares, action des pesticides, cosmétologie, pratiques alimentaires… Au-delà des qualités plastiques et de l’intérêt esthétique de ces œuvres, c’est la dimension ludique, humoristique et satirique qu’il nous faut saluer et la capacité d’Ungerer à dépeindre notre société en nous rappelant sans cesse qu’« Il y a plus de distance de tel homme à tel homme qu’il n’y a de tel homme à telle bête » (Montaigne).
Nathalie Boisson
Tomi Ungerer – Le singulier bestiaire : jusqu’au 24/04 aux ABD Gaston Defferre (18-20 rue Mirès, 3e). Rens. 04 91 08 61 00 / www.biblio13.fr