Tout est pardonné – (France/Autriche – 1h45) de Mia Hansen-Love avec Paul Blain, Marie-Christine Friedrich…
Commencer l’année scolaire par un mystère est toujours stimulant. Celui qui traverse chaque bobine de Tout est pardonné ne cesse de se diffuser délicatement dans l’esprit tordu du critique cynique à tendance…
Les amants irréguliers
Commencer l’année scolaire par un mystère est toujours stimulant. Celui qui traverse chaque bobine de Tout est pardonné ne cesse de se diffuser délicatement dans l’esprit tordu du critique cynique à tendance schizophrène que nous sommes — ben oui, on est deux. A priori, le premier film de Hansen-Love a tous les atours de la chronique auteuriste cent fois vue dans le cinéma français contemporain. Couple « arty », drogue, désespoir, autodestruction et renaissance : mon premier moi est content, on va pouvoir faire du mauvais esprit. Or — au grand désespoir de notre bipolarité — Tout est pardonné n’est rien de tout cela. Sans doute parce que Mia Hansen-Love est une cinéaste intelligente, d’une rare finesse dans ses choix de cadrage et de montage. Sans doute aussi parce qu’elle a judicieusement choisi de filmer le corps fébrile et touchant de Paul Blain (dont on attendait impatiemment le retour depuis Ainsi soit-il en 1999). Mille fois, le spectateur pense que l’édifice va s’effondrer, s’imagine qu’à force d’évoluer lentement sur une brèche étroite entre pathos lourdaud et froideur viennoise, Mia va finir par sombrer définitivement. Pourtant le film avance, avec une douceur confondante, une étrange densité qui évoque l’univers des seventies, dans ce qu’ils ont produit de plus vif (Garrel justement, Eustache, évidemment). Car Tout est pardonné est avant tout un film du présent, de l’instantané. Sa puissance de séduction réside finalement dans la modestie de ses enjeux filmiques et la profonde légèreté avec laquelle ils se déploient : filmer la mécanique du temps à l’œuvre, trouver la bonne distance, appréhender le couple à travers les yeux de son enfant. Rien de bien neuf, en effet, mais une véritable esthétique du regard. Mon autre moi est content : le cinéma français ne rate pas systématiquement sa cible.
Romain Carlioz