Traces… Fragments d’une Tunisie contemporaine (I) au MuCEM
Au fil du temps
L’exposition Traces au MuCEM offre un visage inédit de l’art tunisien contemporain à travers une exposition en deux temps, réunissant onze artistes.
« Nous avons souhaité ouvrir une méditation sur le temps, en écho à la révolution tunisienne. Lorsqu’il y a ce genre de soubresauts, on a besoin de renouer avec des repères, de saisir ce qui apparaît et ce qui disparaît », introduit Thierry Fabre, co-commissaire de l’exposition avec Sana Tamzani, directrice du Centre national d’Art vivant de Tunis de 2011 à 2013. Dans ce premier temps d’exposition (Fragments I), le MuCEM offre ainsi aux visiteurs cinq regards de photographes et vidéastes tunisiens faisant écho à l’actualité. La scénographie est inspirée du tableau de Paul Klee En rythme, et les grandes cimaises blanches se font face les unes aux autres dans la pénombre : « Nous souhaitions que le regard respire, qu’il ne soit pas saturé », précise Thierry Fabre.
Quatre plaques de verre du tout premier photographe tunisien, Abdlehak El Ouertani, datant de 1895, ouvrent l’exposition. Images de mosquées, de moments de vie quotidienne… le « photographe indigène », élève des frères Lumière, a produit quatre-vingt plaques avant d’être assassiné en 1896. Ces images rares provoquent l’émotion à travers un paysage qu’on sait disparu.
Les photographies brodées d’Héla Ammar leur font écho. La plasticienne et photographe brode des photographies du début de l’Etat tunisien et de la société actuelle. Elles montrent les manifestations des deux époques que le fil rouge du drapeau tunisien lie entre elles. Un jeu sur les traces du temps qui revient, malgré tout.
La vidéo d’Ismaïl Bahri interroge quant à elle l’écoulement du temps à travers le déroulement d’extraits de journaux. « Face à l’histoire de plus en plus rapide, cette œuvre crée une interrogation sur le sens dans lequel l’histoire avance. » Le montage photographique de Souad Mani offre également une dimension hypnotique et poétique. L’artiste a assemblé des fragments photographiques de lieux identiques pris à divers moments en un morphing, traces des paysages, loin de tout orientalisme.
Les photographies en noir et blanc de Fakhri El Ghezal montrent, elles, le moment où le politique vacille, où les portraits officiels des présidents disparaissent de l’espace public, mis au rebut chez les antiquaires. « Ces images posent la question : par quoi sera remplacé ce vide ? »
Enfin, les photographies de Zied Ben Romdhane illustrent la disparition de l’oasis de Gabès, pris en tenaille par l’exploitation d’acide phosphorique. « Zied Ben Romdhane propose un passage de l’oasis idyllique à “l’Oued acide”, à l’exact opposé des clichés touristiques. »
Fragments I répond à l’ambition de proposer cinq regards complémentaires et inédits qui interrogent notre vision de la Tunisie, de sa révolution, de son passé. A confirmer avec Fragments II.
Carole Filiu Mouhali
Traces… Fragments d’une Tunisie contemporaine (I) : jusqu’au 28/09 au MuCEM – Bâtiment Georges Henri Rivière (Esplanade du J4, 2e).
Rens. : 04 84 35 13 13 / www.mucem.org
La programmation complète du Temps fort Tunisie ici