La semaine dernière, nous avions rendez-vous avec François Hiffler et Pascale Murtin. Pas timides, ils nous attendaient sur la grande scène de la Minoterie pour nous parler de leur vie. Avec leurs mots et leurs corps…
La semaine dernière, nous avions rendez-vous avec François Hiffler et Pascale Murtin. Pas timides, ils nous attendaient sur la grande scène de la Minoterie pour nous parler de leur vie. Avec leurs mots et leurs corps.
Ça commence simplement, comme un jeu de gamin : chacun son tour, ils disent un souvenir, mais un petit souvenir de rien du tout : « En 1978 j’ai enfilé un bonnet de bain, en 1988 perdu mes clés dans le sable… » En comptant sur leurs doigts, ils les enchaînent, de plus en plus impressionnés par tous ces presque riens dont on se souvient. Pas de raison que ça s’arrête, le stock semble inépuisable et grossit à chaque instant. Pas de théorie, pas de codes ni de conventions là-dedans, la chronologie et le CV sont vite détournés. Aléatoire ? Non, parce qu’à la façon dont ils trouvent leurs souvenirs dans les mots de l’autre, les objets, les dates, leur corps, on a l’impression de les voir se construire, littéralement, devant nous. Ils sont dans les moments dont ils se rappellent, dans leur déformation, leur invention, leur absence, leur oubli. Le temps de chacun est élastique et distordu, la descente d’un escalier dure des plombes, la jambe cassée, une petite seconde. Longs, courts, anciens ou récents, les moments ont tous été falsifiés pour devenir une histoire personnelle. Mais pas seulement : dans ce petit jeu plutôt rigolo, autre chose encore se construit encore parce que leurs souvenirs et les nôtres aussi se répondent, se confondent ou se distinguent. Alors le jeu devient collectif et les souvenirs, chorégraphiques. Tout se résume à une danse qu’ils esquissent à peine. Sur la musique, comme sur la trame du temps « standard », ils dansent ensemble, parfaitement synchrones, puis décalés, puis chacun trouve ses propres pas avant de se rapprocher à nouveau. La lanterne magique s’allume, la boule à facette transforme alors la salle en kaléidoscope, la lumière stroboscopique finit d’exploser la réalité pour faire danser à sa place toutes ces mémoires organiques, créant, détruisant, transformant le temps ensemble.
Aubierge Desalme
Ma vie par Grand Magasin était présenté du 10 au 12 mai à la Minoterie (programmation : Marseille Objectif Danse)