Travailleur de la nuit par le Collectif Manifeste Rien aux ABD Gaston Defferre
Vol de nuit
Après Les Trois Exils d’Algérie et La Marseillaise, et caetera, le collectif Manifeste Rien se lance dans l’adaptation d’un monologue de Vincent Siano sur la vie d’Alexandre Marius Jacob, le célèbre et ingénieux cambrioleur marseillais qui inspira notamment le personnage d’Arsène Lupin.
C’est surtout l’histoire d’un destin à la fois extraordinaire et tragique que nous livre le metteur en scène Jérémy Beschon. Sur une idée originale de Roland Peyron, comédien de talent et co-fondateur du TRAC, le collectif s’est associé à Jean-Marc Delpech, lui-même auteur d’une thèse sur la vie de Jacob. En résulte une pièce brillante de justesse et d’authenticité. Chevaleresque, le comédien porte ce seul-en-scène qui nous emporte chaque minute un peu plus dans les dessous de la Belle Epoque. Avec humour, et non sans une certaine légèreté déguisée, il nous raconte l’histoire de ce Marseillais né sous la Troisième République, issu d’un milieu prolétaire, et dont la morale anarchiste le mènera très tôt à se révolter devant le fossé qui sépare les riches des pauvres. Il y consacrera sa vie, transformant son procès de 1903 en tribune politique, et donnant naissance au fameux Pourquoi j’ai volé. De ses débuts en tant que marin à ses cambriolages audacieux, et jusqu’à ses dix-huit années de bagne, la pièce nous entraîne dans son combat contre la société capitaliste de l’époque. A l’aube de sa mort, le personnage narre son évolution au milieu d’un contexte historique ponctué de terrorisme, de répression (mise à mort de révolutionnaires tels qu’Auguste Vaillant ou Sante Geronimo) et de lois liberticides. Pour Jérémy Beschon, « il est intéressant de mettre sous les projecteurs ce personnage fascinant et de voir comment à travers le destin d’un homme on peut proposer une autre manière de penser la société. » Cette mise en scène, qui emprunte librement les techniques de la Commedia dell’arte, du conte et du mime, est comme il les aime : centrée sur le comédien. Relation à la mère, spéculations boursières, révolte sociale… Les thèmes abordés avec humour et poésie, centenaires mais toujours actuels, nous plongent pendant une heure dans un récit épique peuplé de personnages parfois excentriques, parfois touchants, toujours inattendus. En un mot : bouleversant.
Murielle Lebon
Travailleur de la nuit par le Collectif Manifeste Rien : le 22/04 aux ABD Gaston Defferre (18-20 rue Mirès, 3e).
Rens. : 04 13 31 82 00 / www.biblio13.fr