Truman Capote – (USA – 1h50) de Bennett Miller avecPhilip Seymour Hoffman, Catherine Keener…
Novembre 1959, à Holcomb, patelin du Kansas, une famille est sauvagement assassinée. Depuis New York, un auteur en vogue, Truman Capote, va s’intéresser à ce fait divers, y voyant une matière potentielle pour un prochain roman… (lire la suite)
The Truman Show
Novembre 1959, à Holcomb, patelin du Kansas, une famille est sauvagement assassinée. Depuis New York, un auteur en vogue, Truman Capote, va s’intéresser à ce fait divers, y voyant une matière potentielle pour un prochain roman. Cette entreprise va prendre six ans et donner lieu à De Sang-froid, à la fois un immense best-seller et curieusement la fin littéraire de Capote.
Truman Capote n’est pas un biopic formaliste de plus, il s’agit presque d’un traitement anecdotique ou, plus justement, de la narration délimitée d’un événement ayant profondément modifié l’existence d’un écrivain irrévérencieux et talentueux. Pas de détail sur l’enfance ni sur ce qui précède ce mois de novembre 1959. De fait, pour camper son atmosphère, Benett Miller — dont c’est le premier film — introduit son personnage avec une sobriété inhabituelle. Capote est présenté chez lui, assis, lisant le New York Times et découpant l’article faisant référence au massacre de Holcomb. Quelques touches « exotiques » ponctuent le film — courtes discussions téléphoniques avec son petit ami, vacances espagnoles, lecture publique, soirées people… —, mais l’ensemble a vraiment pour cadre l’austérité du Kansas, l’âpreté du milieu carcéral et, d’une certaine façon, le voyeurisme déconcertant de Capote qui amène inévitablement à une réflexion sur le déterminisme.
L’entêtement de Capote à vouloir comprendre ce qui s’est passé cette nuit-là, à désirer à ce point saisir tous les détails d’une tuerie qui ne le concerne pas, renvoie à la justification d’une littérature où ce n’est plus l’écrivain qui dirige mais ce non hasard qu’il observe et décrit. Tout de même ambivalent dans ses intentions — Capote ne défiera pas la contingence jusqu’au bout, il abandonnera les assassins qu’il a longuement soutenus parce qu’il veut à tout prix terminer sa « non fiction » —, il s’inscrit comme un observateur proche et distant. L’objectivité, aspiration impossible mais théoriquement accessible, est le but de cette « enquête » littéraire. Ainsi, Capote caractérise l’acte du meurtrier par cette multitude de coexistences dont la vie est faite et par son origine sociale. En clair, tout dépend d’un faux hasard lui-même dépendant de la nécessité…
Bien sûr, Truman Capote ne compose pas qu’avec ces questions, mais elles sous-tendent les visées de l’écrivain qui s’est rapproché du « vrai » et qui, après cela, n’est plus parvenu à produire. Le film, plus que correct, laisse cependant sur sa faim. Quoi donc ? Peut-être la difficulté à s’éloigner totalement du pathos. Peut-être un déficit d’honnêteté — Philip Seymour Hoffman a été oscarisé pour sa performance « warholienne » et envahissante. Ou une crainte d’être jusqu’au-boutiste et donc de déplaire à Hollywood. Ou alors, plus sommairement, parce que De Sang-froid a été écrit et qu’il se suffisait à lui-même.
Lionel Vicari