Ukraine, grenier d’images au MuCEM
A l’Est, tout de nouveau
Le cinéma du MuCEM, piloté par Geneviève Houssay, propose en octobre un cycle cinématographique consacré aux œuvres ukrainiennes, accompagnées par un grand spécialiste du genre, Lubomir Hosejko.
Les récents conflits en Ukraine sont venus rappeler à quel point ce territoire constitue un enjeu géopolitique et économique majeur. Déchiré entre Est et Ouest, le pays fut le théâtre de conflits sanglants, de luttes exacerbées, avec ses voisins limitrophes. En quelque sorte, comme en témoigne l’ouvrage de Lubomir Hosejko qui lui est consacré, le cinéma ukrainien fut à l’image de son histoire : fondu dans un premier temps dans la production soviétique, tourné vers l’Occident au moment de la perestroïka. Quelques grands noms résonnent bien sûr dès que l’on évoque l’Ukraine (Dovjenko, Illienko, voire Paradjanov), mais il semblerait qu’un vent de renouveau souffle à l’Est de l’Europe, avec en filigrane de nombreux échanges entre pays, notamment la France, en matière de production des films. Le cinéma ukrainien est systématiquement présent depuis quelques années au sein des plus grands festivals d’Europe, à commencer par Cannes. En témoigne la Palme d’Or du meilleur court, en 2011, à Maryna Vroda. Mais le vrai séisme est venu cette année, sur la Croisette, avec la sélection de deux œuvres ukrainiennes : le documentaire Maïdan et — surtout ! — The Tribe, un chef d’œuvre bouleversant de Myroslav Slaboshpytskiy, dont on ne sort pas vraiment indemne. Tourné en langage des signes non sous-titré, le film nous plonge durant deux heures et demie au cœur d’une jeunesse ukrainienne délibérément tournée vers la violence, le racket et la prostitution. La maîtrise technique et l’intelligence narrative du réalisateur atteignent des sommets au détour de quelques scènes somptueuses, et parfois d’une violence inouïe. Cet opus fait donc partie d’une programmation que propose le MuCEM ce mois-ci, soit dix films incontournables présentés par Lubomir Hosejko lui-même. Avec en point d’orgue, et au cœur de cette thématique, la ville d’Odessa, point névralgique longtemps traversé par le cinéma. Du Cuirassé Potemkine au Cocher de nuit de Gueorgui Tassine, de l’exceptionnel Homme à la caméra au touchant Odessa… Odessa de Michale Boganim, sans omettre les œuvres plus contemporaines, de The Tribe, donc, à La Maison à la tourelle d’Eva Neymann, ce panorama viendra rappeler sans conteste la puissance visuelle d’une cinématographie dont nous n’avons pas fini d’entendre parler.
Emmanuel Vigne
Ukraine, grenier d’images : du 4 au 26/10 au MuCEM (Esplanade du J4, 2e).
Rens. 04 84 35 13 13 / www.mucem.org
Le programme complet du cycle « Ukraine, grenier d’images » ici