Un peu de finesse dans un monde de brutes

Un peu de finesse dans un monde de brutes

Aubagne est devenue le temps d’un concert la place forte du hip-hop en accueillant le génial KRS-ONE… (lire la suite)

Aubagne est devenue le temps d’un concert la place forte du hip-hop en accueillant le génial KRS-ONE.

KRS-ONE à Aubagne, accompagné de Tony Touch et Jamalsky : le plateau paraissait tellement alléchant que beaucoup n’y ont pas cru. Quelques affiches posées un peu au hasard, un peu de promo sur nos ondes locales et nationales… un tel événement aurait mérité une visibilité bien plus importante. Toutefois, la communication discrète du festival Hip-Hop Action ne suffit pas à expliquer l’absence d’engouement de la part d’un public venu en petit nombre. Malgré un cadre agréable, un tarif raisonnable, et surtout une affiche d’une qualité rare, le public a semblé bouder son plaisir, celui de voir sur scène quelques figures historiques du mouvement hip-hop. Plaisir, le mot semblait un peu trop riche — et c’est un euphémisme — pour définir ce que l’on a pu ressentir de 19h à 23h, lorsque se sont succédé sur scène une brochette de groupes régionaux et insipides dont les très peu inspirés Puissance Nord. Subir une telle confusion musicale, c’était le prix à payer pour apprécier par la suite ceux pour qui on s’était vraiment déplacé. En entrée : le dj-set de Tony Touch. Au menu : galettes grand public et efficaces, avec cette particularité américaine et originelle qui consiste à se servir du micro même quand on est dj. Ce dernier reviendra même sur scène avec KRS-ONE pour un freestyle réjouissant. Entre le set de Tony Touch et le concert de KRS-ONE, les amateurs ont pu apprécier la dextérité de Jamalski, dont le flow — mi-rap, mi-ragga — crée un lien parfait entre le Bronx et Kingston et dont la tchatche inépuisable et alcoolisée est toujours rafraîchissante. Plat de résistance, le concert de KRS-ONE, accompagné pour l’occasion d’élèves (forts doués) de ses ateliers, et surtout de celui que l’on considère comme un des meilleurs mc de la old-school : Busy Bee. Révélé au grand public par son apparition dans Wild Style[1], le jeune rappeur stylé de 1980 s’est transformé en quadragénaire rasta tout en conservant une souplesse et une musicalité qui font souvent défaut aux rappeurs qui lui ont succédé. Leçon d’histoire aussi avec cette fresque accrochée sur le côté de la scène qui retrace l’évolution du mouvement, de sa naissance à aujourd’hui. Personne ne sera oublié, dj, mc, graffeurs, danseurs, toute la communauté est là, présente et représentée. Succession des tubes passés (Sound of da police, South Bronx, Black Cop, Get yourself up…), hommage appuyé au Wu-Tang Clan, aux pionniers du mouvement et aux disparus, avec un seul mot d’ordre : « Peace, Love & Unity ». Avec KRS-ONE en maître de cérémonie, ce ne sont pas de vains mots : l’intelligence se met en action, avec sincérité et lucidité.

nas/im

KRS-ONE était en concert le 26 mai à l’Escale St-Michel (Aubagne)

Notes

[1] Wild Style, film de Charlie Ahearn de 1982, qui retrace les aventures d’un jeune graffeur dans le Bronx. On y voit tous les acteurs d’une culture hip-hop émergente.