Un peu de finesse dans un monde de brutes…
Notre collaborateur Philippe Petit, des labels Bip-Hop et Pandemonium, évoque l’un de ses coups de cœur à l’occasion d’un rare passage à Marseille : Enablers… (lire la suite)
Notre collaborateur Philippe Petit, des labels Bip-Hop et Pandemonium, évoque l’un de ses coups de cœur à l’occasion d’un rare passage à Marseille : Enablers
Les années 90 resteront à jamais synonymes de l’arrivée à maturité du rock noisy, courant issu des mouvements punk/hardcore. Une décennie qui vit l’apogée des mythiques Fugazi, Jesus Lizard, Unsane, GvsB, Guapo, Neurosis ou, plus proches de nous dans l’hexagone, Condense, Kill The Thrill et autres Bastärd… Nous eûmes la chance de voir à la MJC Mirabeau beaucoup de ces groupes, grâce aux efforts et au bon goût de Marilyn Tognolli, bassiste de Kill The Thrill. Et c’est justement elle, une fois encore, qui nous propose l’un des concerts de l’année : Enablers. Signés chez Neurot Recordings (le label de Neurosis), ces Californiens comptent en leur sein des membres de Swans, June of 44 ou encore Tarnation… Le quatuor officie dans un registre post-rock, est souvent comparé à Slint, mais j’oserais dire un Slint qui n’aurait pas baissé les bras, qui aurait continué son évolution il y a quinze ans de cela. Enablers sonne plus actuel que le regretté groupe chicagoan : ses accords dissonants et acérés touchent juste, les rythmes sont décalés, tout en ruptures, comme si la réalité se dérobait sous nos pieds et que la brûlante voix de Pete Simonelli nous rattrapait. Là réside la grande force d’Enablers : des « spoken words » suaves, susurrés ou hurlés par cette voix qui traverse nos esprits telle une tornade, posant des textes/poèmes d’une rare intelligence, jouant de contrastes, élevant l’intensité, captivant notre attention. En seulement deux albums, End Note et Output Negative Space, Enablers est devenu indispensable à tous les aficionados de mélodies grinçantes, de rythmiques imprévisibles et chaloupées, une force tranquille en apparence qui rassure ou effraie, attire ou repousse et, invariablement, s’impose par la force ou la finesse. Kill The Thrill partagera donc la soirée : en quinze ans, le groupe marseillais est parvenu à trouver un son très personnel, comme une force immense qui écrase tout sur son passage mais sait aussi bercer, évoquer, travailler les ambiances. Le trio force l’attention et le respect, impressionnant sur scène comme ces rares groupes qui ont su résister : à les voir, on sent les centaines de concerts donnés, la cohésion est totale, la musique compacte, enivrante et sombre. Tellurique !
Philippe Petit
Le 14 à la Machine à Coudre, 20h. Rens. 04 91 55 62 65