Un pied dans le crime au TNM La Criée

Un pied dans le crime au TNM La Criée

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Le pied selon Labiche

Un texte savoureux, une mise en scène efficace, des acteurs accomplis : tout concourt à faire de la dernière création de Jean-Louis Benoît un divertissement de haut vol.

Dieu sait que j’aime les oiseaux : les entendre, les écouter, les observer, les deviner dans les feuillages. Je tiens cela de Charles Trenet et certaines de ces chansons de l’année 37, et de mon grand-père qui me les expliquait. Mais celui que j’avais comme vissé dans mon oreille par la grâce d’un haut-parleur, pendant tout le premier acte champêtre de cette amusante et cruelle satire, se révéla un bien fâcheux compagnon. Car la distance à laquelle j’étais placé de la scène rendait nécessaire cette oreille. Bien sûr ! Quelle merveille de voir Torreton et Pinon, quelle captivante expérience que de voir à l’œuvre tous ces serviteurs confirmés du théâtre ; leur justesse de ton, le soin de leur costume, le ballet si bien réglé de leur déplacement, leurs chutes si comiques… tout respirait le métier consommé, le savoir-faire des ouvrages cent fois remis, la mécanique parfaitement huilée. Déjà, en m’installant, j’avais été frappé par la salle et ses dimensions. J’étais idéalement placé pour en juger, puisque je n’avais derrière moi que deux rangs. Le drapé majestueux du rideau, gonflé telle une voile, en poupe sur l’avant scène où Dominique Pinon s’installa pour nous apprendre les goûteux refrains à reprendre en chœur à la fin de chaque acte, comme il était de tradition à cette époque (Second Empire). Les dimensions du plateau, large et profond, la qualité de la sonorisation, jusqu’au confort de ces fauteuils capitonnés… Tout me poussait, tout m’inclinait, tout en écoutant Labiche (et l’oiseau !), à caresser un rêve : je voyais les Argonautes du boulevard Longchamp débarrassés de leur problème d’étanchéité et d’humidité ; le théâtre de Lenche bénéficiant d’un isolement phonique digne de ce nom, le Gyptis doté d’un vrai système de régulation thermique. Mais déjà le spectacle touchait à sa fin. Je laissai là mon rêve d’une diversité conservée et de moyens mieux répartis, et retournai vers Labiche pour goûter sans retenue le plaisir du refrain final : « Le public lui le sait-il ? Oui ! Ciel, qu’il nous le dise ! »

Texte : Frédéric Marty
Photo : Antoine Benoit

Un pied dans le crime d’Eugène Labiche : jusqu’au 27/03 au TNM La Criée (30 Quai Rive Neuve, 7e). Rens. 04 91 54 70 54 / www.theatre-lacriee.com