Un Sacre, des Printemps d’Arthur Perole par la Cie F au Pavillon Noir
Fureur de vivre
Avec Un Sacre, des Printemps, Arthur Perole nous découvre le fil d’une version de l’œuvre-phare revisitée qui, au-delà de l’exacerbation des narcisses de chacun, donne corps à une jeunesse en ébullition.
Le Sacre du printemps, en dépit de son nom tout empreint de dévotion, est né comme un pavé dans la mare. Stravinsky, qui le compose en 1912 à la demande de Serge de Diaghilev, à la tête des Ballets Russes, veut avec cette œuvre faire révolution : pas d’argument — ou si peu —, pas de linéarité, une musique « anti-symphonique », composée par blocs juxtaposés. Le résultat est surprenant, et va traverser le siècle. On ne peut pas en dire de même de la chorégraphie de Nijinski, tombée à raison aux oubliettes. Beaucoup de chorégraphes s’en sont par la suite emparés, donnant à chaque fois leur percutante version : Béjart, Pina Bausch, Sasha Waltz, Angelin Preljocaj… Plus de vingt ans après son Rite of Spring, ce dernier confie à Arthur Perole, artiste associé au CCN d’Aix-en-Provence qu’il dirige, la mission d’en écrire un pour son Ballet Junior. Une idée fort pertinente pour un ballet dont le pour thème central est la jeunesse. Qu’en fait Perole ?
S’il est postulé dans la feuille de salle que l’intention du groupe s’est tournée vers un Printemps de « révolution verte », si le choix des costumes green et des maquillages urban fashion font leur petit effet, il n’en reste pas moins que nous avons difficilement compris où le propos allait, et que, en fin de course, notre attention s’essouffle — ce qui est loin d’être le cas sur scène, pour ces danseurs qui, jusqu’au bout de leur transe, feront preuve d’une technicité endurante hors du commun. Nous pourrions toutefois difficilement reprocher à Perole de ne pas réussir à faire de la clarté sur les credos de cette jeunesse qui donne certes corps à sa propre fougue mais peut-être moins à des utopies collectives, il n’en a pas la mission. Après tout, quand on est dans un tel présent, qui peut déjà voir clairement l’avenir ?
Lui-même ancien du Ballet Preljocaj Junior, qui connaît l’exigence et le sacrifice de chacun au tout, il a su donner à chacun de ces jeunes interprètes leur temps, un temps d’expression pour que nous regardions quel danseur chacun était. Surtout, on saluera comment Perole fait disparaitre le genre, cent ans après la version originale, en mixant délibérément garçons et filles dans les groupes de danseurs, en écho à notre époque où l’identité sexuelle n’est plus aussi déterminée qu’elle ne le fut par la société hétéronormée du XXe siècle. Du kaléidoscope originel voulu et exploité par les plus grands artistes de ce siècle passé, Perole signe ici une pièce qui revendique un maelström stroboscopique, miroir de notre propre temps.
Joanna Selvidès
Un Sacre, des Printemps d’Arthur Perole par la Cie F était présenté les 13 & 14/04 au Pavillon Noir (Aix-en-Provence).
Pour en (sa)voir plus : www.cie-f.com/compagnie