Une autre vie d’Emmanuel Mouret
3 questions à…
Emmanuel Mouret
Le cinéaste marseillais a réalisé de savoureuses comédies sentimentales mélancoliques et décalées. Il s’essaye aujourd’hui au drame avec Une autre vie. Rencontre.
Une autre vie nous plonge dans les méandres d’un triangle amoureux… Pourquoi avoir choisi ce sujet pour ce nouveau film, avec lequel vous changez radicalement de registre ?
Je me suis penché sur la confrontation entre ces deux femmes qui aiment le même homme et ont une conception de l’amour complètement opposée.
J’aime bien cette idée qu’une rencontre amoureuse, c’est une rencontre avec un visage, une façon d’être et que déjà dans ce visage, il y a justement les promesses d’une autre vie.
Ce qui m’intéresse, et qui est souvent présent dans mes comédies, ce sont des personnages qui n’ont pas un mais deux désirs, à la fois celui de satisfaire leurs sentiments, leur attirance pour quelqu’un, mais aussi celui d’être quelqu’un de bien.
Le drame qui se pose à eux, c’est comment vivre une autre vie et être bien avec sa conscience ? C’est cette sorte de dilemme qui m’intéressait.
Avez-vous des attaches particulières avec l’Italie, qui semble très présente dans votre filmographie ?
J’aime beaucoup l’Italie et l’attache la plus évidente est que j’y ai moi-même des origines.
Il y a une autre chose qui dépasse le cadre de l’Italie, c’est la rencontre entre Aurore (NDLR : interprétée par Jasmine Trinca), dont on comprend qu’elle a grandi là bas, et Jean (NDLR : interprété par JoeyStarr). Même s’il s’agit d’une rencontre entre deux milieux sociaux, ce n’est pas une rencontre franco-française, et de fait, inconsciemment, on ne rentre pas dans la problématique du discours social.
Ses origines italiennes rendent les personnages encore plus « vierges » ; ils savent juste qu’ils viennent de milieux différents, mais ils ont moins d’a priori l’un envers l’autre. Ils se reconnaissent, et le propre d’une rencontre amoureuse, c’est justement qu’il y a quelque chose qui ne s’explique pas.
Vos films semblent parfois tendre vers une réponse aux questions concernant le désir et l’amour, sans tomber dans le jugement ni se prononcer vraiment…
Je fais mes films comme si je me posais une question. Si les histoires ont une fin, ce qui m’intéresse, c’est de mettre des questions en parallèle sans qu’il n’y ait jamais qu’une réponse, avec un aspect disons… paradoxal et contradictoire.
Dans ce film, les deux personnages féminins incarnent une façon d’aimer, mais il n’y en a pas une qui est plus juste et plus vraie que l’autre.
Pour moi, le cinéma, c’est explorer de la façon la plus divertissante possible un peu de la complexité des sentiments.
Propos recueillis par Thanh-Lan Nguyen
Une autre vie d’Emmanuel Mouret avec JoeyStarr, Virginie Ledoyen… : sortie le 22 janvier
CHRONIQUE
Un autre genre
Une autre vie est un mélodrame, qui contraste avec la filmographie d’Emmanuel Mouret, sans pour autant dépareiller… Il y est une nouvelle fois question d’amour et de désir, préoccupations principales des personnages de l’auteur, qui révèle à l’écran leur relation complexe.
Une autre vie explore avec sobriété les méandres tragiques du triangle amoureux, via le dilemme d’un homme pris entre deux femmes. Chaque personnage semble tiraillé entre ses désirs et la culpabilité…
Aurore, amoureuse vulnérable, et Dolorès, compagne impitoyable, se font face avec grâce… Jean, habité par l’amour de ces deux femmes, semble pourtant absent du dialogue secret instauré entre elles.
Les inconditionnels d’Emmanuel Mouret seront peut-être déconcertés par ce film qui aborde les thèmes chers au réalisateur sous un angle plus grave.
Si JoeyStarr incarne Jean avec une certaine crédibilité, son personnage se trouve cependant effacé par les personnages féminins plus développés et expressifs, sublimés.
On regrette quelques longueurs, qui peuvent être interprétées comme le temps de la réflexion pour les personnages.
La bande son classique — parfois un peu trop présente — ajoute de la tension aux drames qui se jouent sous nos yeux…
Malgré quelques maladresses, Une autre vie présente le charme intemporel d’un automne capricieux sur la Côte d’Azur…
Thanh-Lan Nguyen