Une vieille maîtresse – (France – 1h50) de Catherine Breillat avec Asia Argento, Roxanne Mesquida…
Une Vieille maîtresse n’a sans doute pas que des qualités. Il laisse même parfois le spectateur un peu perplexe devant le spectacle anarchique de ce désordre amoureux et sanguin. Mais Catherine Breillat…
Romance fixe
Une Vieille maîtresse n’a sans doute pas que des qualités. Il laisse même parfois le spectateur un peu perplexe devant le spectacle anarchique de ce désordre amoureux et sanguin. Mais Catherine Breillat possède ce sens aigu du cadrage, de la tension inhérente au champ contre-champ (comme assez peu de cinéastes depuis Pialat) et cette conviction qui lui permettent de convertir les figures les plus rances en d’étranges objets de cinéma moderne. On reconnaît d’ailleurs assez facilement les obsessions de l’auteur de Romance X dans ce va-et-vient amoureux en plein cœur du 19e siècle (la pénétration, formelle et physique, l’absolu du corps féminin, etc.) et c’est peut-être l’aspect le moins intéressant du film. La force de l’œuvre est tout à fait ailleurs. Dans sa capacité à surprendre en risquant la rupture, la déterritorialisation (les très belles séquences algériennes) et le contre-pied du film classique que tout le monde attendait au tournant — surtout Henri Seard, qui, rappelons-le, est un peu à la critique ce que les Ukrainiens sont au football, de rigoureux défenseurs mais rien sans Chevtchenko. Breillat contourne, tord, rompt puis maltraite corps et images jusqu’à ce qu’ils explosent et révèlent alors une étonnante puissance. Les creux, parfois gênants, de la narration justifient alors leur présence : ils sont la condition de l’évidement, un exercice d’étirement des corps jusqu’à ce qu’ils s’épuisent. Le long face-à-face entre Ryno de Marigny et sa future belle-mère est comme un combat de fauves, tendu jusqu’à l’insert, poussant à bout la logique des sentiments, c’est-à-dire jusqu’au sang. Souillant les robes. Eclaboussant les visages. Et quand on sait combien ces éclats-là, cette capacité à tenir courageusement des choix radicaux, cette facilité à subvertir un cadre figé sont rares dans le cinéma d’aujourd’hui, on mesure mieux les qualités de cette Vieille maîtresse.
Romain Carlioz