Volchok présenté au Théâtre des Salins
En équilibre comme l’air
La deuxième édition de Cirk’en Mai, organisée par le Théâtre des Salins et le Théâtre Le Sémaphore, nous a offert un moment précieux avec la toupie russe du Cirque Trottola, Volchok — ballet de ballots de chiffons pour un porteur, une voltigeuse et un jongleur.
Trottola est un cirque différent, qui livre des petits instants de vie sous l’angle de la poésie. D’emblée, rouge parquet et toile de chapiteau plantent le décor, soit deux entrées en piste dont les rideaux en cartons usagés menacent de s’effondrer à chaque instant. Sur fond de musique de kermesse, de dimanche après-midi compassé, ils entrent, timides, dans l’arène. Epaules hautes à cause d’une veste trop petite, vestige de l’enfance, Bonaventure Gacon, œil brillant et barbe rousse, précède ses deux comparses, la petite flamme rouge Titoune et le jongleur émacié Mads Rosenbeck. La scène pourrait être un quai de gare pour voyageurs du présent. Les bagages, énormes ballots de chiffons, tombent du ciel. On commence par en attraper un, on le troque contre un équilibre pour finalement s’y accrocher, s’y incruster jusqu’à devenir soi-même bagage. Titoune fait penser à ces voyageurs clandestins prêts à tout pour se faire embarquer : elle s’agrippe fermement au sac de Gacon, se cache sur son dos ou sa tête. Le temps de la rencontre, on arrête de penser, vite dépassé par l’onde de choc, le Volchok, la folie d’une musique live bien barrée. La piste se fait bac à sable pour rencontres impromptues, à deux ou trois, au sol ou dans les airs. On se chamaille, on se fout dehors, on s’aime quand même un peu, beaucoup, on est tout seul à plusieurs. Un ballet, une assiette, une échelle… : tout est prétexte à la poésie, le cirque arrive et repart aussitôt. On applaudit autant l’ingéniosité et les prouesses de jonglerie ou de voltige que des petits évènements sensibles, comme cette robe qui nous fait frissonner en valsant toute seule en équilibre. Ça tient à un fil, parfois à rien — à l’instar de cette avancée vers le grand vide que Titoune accomplit sur une échelle en équilibre sur un balai. Parlant autant aux yeux, aux oreilles qu’au cœur, Volchok se passe de commentaires, de mots pour dire ce que racontent déjà les corps. Une création pleine de grands maintenant.
Texte : Coline Trouvé
Photo : Philippe Laurena?on
Volchok était présenté du 12 au 16/05 au Théâtre des Salins (Martigues)