Voyage Voyages au Mucem
Partis de plaisir
Synonyme de plaisir, d’envie, d’initiation pour certains, d’une nouvelle vie, d’un passage ou d’un exil pour d’autres, le voyage évoque chez chacun d’entre nous mille et une définitions. De Kandinsky à Matisse, de Robert Smithson à Martin Parr, de Chiharu Shiota à Barthélémy Toguo, la nouvelle exposition présentée au Mucem, Voyage Voyages, nous plonge dans un univers fantasmagorique à entrées multiples.
« Un voyage s’inscrit simultanément dans l’espace, dans le temps, et dans la hiérarchie sociale », disait Claude Lévy-Strauss. Si certains partent à la découverte de nouvelles contrées, d’autres fuient leur pays à la recherche d’une vie meilleure. Le voyage est sans doute une illusion qui espère devenir réalité.
De nombreux artistes ont parcouru le monde à la poursuite de leur propre création, d’autres en font leur sujet de prédilection : dès lors, tout devient symbole. À l’heure où la planète s’embrase, le tourisme ne cesse de s’accroitre et a désormais des répercussions catastrophiques. S’il est sublimé, il peut aussi se changer en enfer. À présent, le smartphone prolonge notre corps, les réseaux sociaux deviennent les stimuli d’un voyage devenu réel grâce à un filtre Instagram ou un statut Facebook. Si une connexion internet est indispensable, elle peut aussi se transformer en zone blanche.
L’exposition traverse différentes époques, oscillant entre les toiles de Paul Klee en Tunisie, les tapisseries de Matisse en Polynésie française ou la photographie documentaire et ironique de Martin Parr à Venise. Véridique preuve de visite. De l’exploration picturale de Kandinsky au land art de Robert Smithson, en passant par le cycle du temps et de la féminité de Sigalit Landau, ce périple nous livre un passeport artistique digne d’un cheminement initiatique. Les grands noms se succèdent, le symbolisme demeure. L’épopée effleure le sujet brûlant de l’exil en l’esthétisant sans en aborder sa souffrance, criante. Les pneumatiques se sont dégonflés. Si les mers et océans sont parfois infranchissables, les fonds marins sont, aussi, le cimetière de blindés abandonnés par l’armée américaine. Le Dernier Voyage pour Victor Brauner, No Pasara pour Leila Alaoui. Du pinceau minutieux et mystique aux photos de la jeunesse marocaine rêvant d’un ailleurs. Désir ou réalité. Tout est subtil, succinct. Les valises vides et flottantes de Chiharu Shiota introduisent l’exposition, la barque chargée et fragile de Barthélémy Toguo la conclut. Le voyage est grand. Deviendra-t-il conscient ?
Zac Maza
Voyage Voyages : jusqu’au 4/05 au Mucem (1 esplanade du J4, 2e).
Rens. : www.mucem.org