Voyageurs Immobiles était présentée à Châteauvallon (Ollioules)
Et vogue le Genty navire
Fidèle à elle-même, la compagnie Philippe Genty use de nombreux artifices pour émerveiller le spectateur dans Voyageurs Immobiles. Une démarche honorable qui pourrait faire regretter un certain manque de profondeur. Mais quand l’enfant qui est en nous se réveille, rien ne peut l’arrêter.
La biographie de Philippe Genty est bien mystérieuse. Avant 1938, pas de trace du metteur en scène, qui aurait fréquenté une école d’art graphique au milieu des années 50. La décennie suivante est marquée par une traversée de 47 pays en Citroën avant d’assumer le chaos qui l’anime en créant la compagnie Philippe Genty avec sa moitié chorégraphe Mary Underwood. Un tel portrait ne peut qu’augurer d’un brin de folie et d’un soupçon d’humour dans ses spectacles. De ce point de vue, Voyageurs Immobiles ne déçoit pas. Cela commence par une mer de voile bleu au centre de laquelle un radeau va peu à peu se peupler pour se terminer par un nuage de plastique blanc, qui finit pas se vider de ses drôles d’oiseaux. Entre temps, immobile car ne dépassant pas le cadre de la scène, la troupe internationale de huit comédiens va remuer mer, ciel et terre pour faire voyager le spectateur entre le tumulte des eaux mouvantes et le désert éclairé des mille et une nuits. Bien enfoncé dans son siège, les yeux d’enfants grands ouverts, nous assistons à un déluge d’effets spéciaux faits maison, de magie, de danse ou de chant au service d’une succession de scénettes de longueur et de qualité inégales. Certains propos, ayant une résonance bien actuelle, auraient en effet pu être approfondis ; telle la course folle de ce trader en marionnette ou l’acharnement du peuple sur cette femme voilée de papier. D’autres parties chantées paraissent, quant à elles, plutôt dispensables. Passons sur ces écueils qui sont loin de faire sombrer nos voyageurs immobiles. La voile du Genty navire est bien gonflée pendant une heure et demie avec des surgissements de membres humains faits de papier, un visage cloné en latex et en plusieurs exemplaires s’il vous plaît, ou des têtes d’adultes sur des corps de bébés. Ce jeu de chair et d’artifices, aux bandages interminables, n’y fera rien. Si les corps se découvrant peu à peu changent de forme, ils cachent de vrais humains et de talentueux comédiens.
Guillaume Arias
Voyageurs Immobiles était présentée les 23 et 24/09 à Châteauvallon (Ollioules)