Walk the line (USA – 2h17) de James Mangold avec Joaquin Phoenix, Reese Witherspoon…
Après Johnny Cash-les disques, voici Johnny Cash-le film. Soit l’itinéraire sinueux d’une grande figure de la musique folk américaine. Avec une matière première aussi riche et un personnage aussi emblématique, le projet était prometteur. Toutefois, James Mangold réussit l’exploit de nous livrer un film plat et vide…(lire la suite)
D’où viens-tu Johnny ?
Après Johnny Cash-les disques, voici Johnny Cash-le film. Soit l’itinéraire sinueux d’une grande figure de la musique folk américaine. Avec une matière première aussi riche et un personnage aussi emblématique, le projet était prometteur. Toutefois, James Mangold réussit l’exploit de nous livrer un film plat et vide. Oublions le crédibilité, critique récurrente à (presque) tous les biopic de musiciens, on reprochera surtout au film de vouloir retracer l’itinéraire d’un musicien sans jamais parler une seule fois de musique. Le folk, cette sorte de blues blanc, de complainte rurale, méritait mieux. De sa mutation en rock’n’roll à sa conversion au mode électrique, le film nous montre la trajectoire d’un musicien qui semble presque étranger à ses propres créations. Tout ce qui touche à la musique est simplement ignoré. La musique est un prétexte, une toile de fond — Johnny Cash aurait pu être pilote de chasse ou champion de biathlon — qui permet au réalisateur de nous livrer une histoire d’amour banale avec un vrai happy end à l’intérieur. Autre réserve : le côté rectiligne du film. Entre la première audition chez Sam Phillips (responsable de Sun Records, label pionnier dans l’avènement du rock) et le harcèlement par des fans hystériques, juste un plan, le temps de voir Johnny Cash annonçant à sa femme l’enregistrement de son premier disque. Décidément, tout va trop vite. Comme ce vieillissement accéléré du personnage au moment de son départ de la maison familiale pour l’armée, où le pauvre Johnny Cash semble avoir une bonne quinzaine d’années de plus que son âge. Autre déception, Joaquin Phoenix semble subir son rôle plus qu’il ne l’habite : la chemise noire du héros semble vraiment trop grande pour lui. Effet de compensation et effet de surprise, Reese Witherspoon, dans le rôle de June Carter, enfant-star de la chanson populaire américaine et muse du beau Johnny « guitare » Cash, joue avec un naturel indéniable et sauve comme elle le peut les scènes « de couple ». Les amoureux de ce folklore américain moderne se délecteront tout de même de ces quelques passages, bien qu’anecdotiques, qui donnent vie aux icônes rock, de Carl Perkins à Buddy Holly, en passant par Jerry Lee Lewis et Elvis, qui aurait lui-même initié Johnny Cash aux amphétamines… Par cette légèreté, le film est par moment plaisant, mais en voulant faire du « film d’amour », le récit s’embourbe. Walk the line partage avec Ray, de Taylor Hackford, bien des points communs : la volonté de retracer l’itinéraire d’une légende moderne, le choix de deux temps forts de leurs vies (l’enfance et le début de la carrière), le même traumatisme fondateur (la mort du frère) et les mêmes béquilles psychologiques (la drogue). Toutefois, l’évocation de la vie de Ray Charles nous tenait plus en haleine car on avait l’impression de plonger au cœur d’archives inédites, d’être au centre du processus de création (et de destruction). Avec Walk the line, on a malheureusement souvent la sensation d’être en dehors du film, de regarder une histoire « de l’extérieur ». Comme tous les songwriters populaires, de Woodie Guthrie à Bob Dylan, Johnny Cash s’est nourri d’une réalité sociale crue, pour décrire « l’autre » american way of life. Faire d’une réalité si complexe un film si lisse, imperméable à son propre discours (la musique), réduit Walk the line à un simple divertissement.
nas/im