We feed the world – Documentaire (Autriche – 1h36) d’Erwin Wagenhofer
Décidemment, la vie est belle (voir l’article de la semaine dernière sur Une jeunesse chinoise) : « Nous n’avons jamais eu un tel pouvoir d’achat, nous n’avons jamais été aussi heureux », rappelle…
L’œuf ou la poule transgénique
Décidemment, la vie est belle (voir l’article de la semaine dernière sur Une jeunesse chinoise) : « Nous n’avons jamais eu un tel pouvoir d’achat, nous n’avons jamais été aussi heureux », rappelle le président de Nestlé, la plus grosse compagnie agro-alimentaire mondiale (300 000 employés). Effectivement, grâce aux méthodes logistiques modernes, il est possible d’obtenir des fruits, des légumes, de la viande ou du chocolat à des coûts dérisoires. Seule ombre au tableau, cette prospérité n’est pas partagée et, chaque année, 800 000 personnes meurent de faim pendant que la forêt et la faune disparaissent. Le propos didactique de We feed the world est de démontrer que ces deux réalités extrêmes ne se côtoient pas par hasard : c’est parce que nous produisons de quoi nourrir cinq fois la planète que la moitié de celle-ci crève. Erwin Wagenhofer analyse pour cela, à travers quelques exemples de productions et de flux de denrées, comment des sociétés subventionnées par leurs Etats, désorganisent le monde dans l’unique but de remplir l’assiette capricieuse des Occidentaux et de faire des profits. Ainsi, la forêt amazonienne est remplacée par du soja destiné à nourrir les poulets européens que l’on exige quotidiennement sur notre table alors que les autochtones meurent de faim. Autre exemple, les subventions européennes permettent à l’Espagne de fournir des légumes trois fois moins chers que ceux que pouvaient produire les Sénégalais. Leur travail alors disparu, ces derniers se retrouvent sans revenu, donc incapables de s’acheter ces produits maintenant importés. A travers ce panorama, We feed the world éclaire un des principes de base de l’industrie de la faim : prendre un peuple autarcique et le rendre dépendant (semence hybride, nourriture, lait maternel…), donc client. Cet excellent documentaire — une fois de plus autrichien — sort de l’anecdote alarmiste habituelle et étend, en y ajoutant la force de la démonstration, les perspectives entamées dans le Cauchemar de Darwin et Notre pain quotidien. Sans qu’elle ne soit jamais évoquée, une évidence semble poindre à l’horizon : la décroissance.
Emmanuel Germond