Un week-end avec Claire Simon au Gyptis
Le miroir des autres
Pour le premier week-end de juin, le cinéma de la Belle de Mai le Gyptis propose un nouveau rendez-vous dont il a le secret : inviter un réalisateur à partager un temps précieux avec le public. Place cette fois à l’excellente cinéaste Claire Simon.
Si le cinéma n’offre à voir qu’une représentation du réel, un mensonge qui dit la vérité — et c’est bien là toute son ambivalente puissance —, quelques cinéastes ont développé dans leur geste un dispositif d’immersion permettant de continuer à questionner l’un des axes primordiaux de la narration cinématographique : qu’est-ce que filmer l’autre ? A savoir l’autre que soi. De Jean Rouch à Frederick Wiseman, cette interrogation essentielle dans le champ de la reproductibilité de l’image ouvre un espace rhétorique abyssal qui dépasse largement le cadre de l’image en mouvement. Elle appelle à interroger, dans une pratique qui convie la philosophie, la psychanalyse voire l’ethnologie, la conscience de l’individu telle que l’évoquait Merleau-Ponty dans sa Phénoménologie de la perception. La dynamique équipe du Gyptis offre son écran, le temps d’un week-end, à l’une des cinéastes dont l’œuvre reste totalement habitée par cette conscience de l’autre, Claire Simon. Une œuvre qui prouve peu ou prou que les frontières entre documentaire et fiction ne sont que purs bavardages, seule compte la geste, et l’inventivité du dispositif qui l’accompagne. Dans le cas de la cinéaste, c’est en immersion totale, ce temps où elle fait corps avec le décor, que s’imprime, ou plutôt s’impressionne l’image du réel sur la pellicule, jeu d’ombres et de lumière. C’est peu dire que le regard posé sur ses personnages échappe à tout manichéisme dans l’œuvre de Claire Simon. Par subtiles touches, les films se construisent au sein d’un humain trop humain, à l’instar de son dernier opus, Le Bois dont les rêves sont faits, plongée humaniste et philosophique — l’ombre de Gilles Deleuze n’y est jamais totalement absente — au cœur du bois de Vincennes, dans l’Est parisien. Trois autres films de la cinéaste complèteront ce temps de rencontre particulièrement précieux : Récréations et Coûte que coûte, deux beaux opus des années 90 qui ont participé à asseoir la renommée de Claire Simon après la réalisation d’une dizaine de courts, et l’excellent Les Bureaux de Dieu, long-métrage de fiction plus récent, merveilleusement écrit. En point d’orgue de ce week-end, le dimanche à 11h, une matinée sous forme de discussion avec le public, et à base d’extraits piochés dans sa filmographie, permettra d’approfondir la passionnante écriture filmique d’une réalisatrice essentielle dans le paysage cinématographique hexagonal.
Emmanuel Vigne
Un week-end avec Claire Simon : les 4 & 5/06 au Gyptis (136 rue Loubon, 3e).
Rens. : 04 95 04 96 25 / www.lafriche.org
Le programme complet du week-end avec Claire Simon ici