Police pas très académique

Peut-on tirer d’un scénario absurde un film de plus d’une heure ? A voir la filmographie de Quentin Dupieux, la réponse est assurément oui. Son dernier opus, Wrong Cops, ne déroge pas à la règle…

Après le jeu mélangeant calcul mental et cricket (Steak), l’homme à la recherche de son chien (Wrong) ou encore le pneu serial killer (Rubber), le voilà de retour avec un scénario tout aussi décalé. Dès le générique, où le producteur délégué Grégory Bernard est représenté par un surfeur de dos, le ton est donné. Les premières minutes ne sont pas en reste : un hélicoptère, des palmiers, des poteaux électriques… Où Quentin Dupieux veut-il nous emmener ? En premier lieu, au pays des policiers les plus hors-la-loi de Californie. Ces Wrong Cops ne se refusent rien : fumer des joints, demander à des passantes de montrer leurs seins, tirer sur un innocent, gérer un trafic de drogue cachée dans des rats morts, et même faire chanter leur propre collègue. Chaque transgression se révèle aussi unique que le physique caricatural des personnages, entre mèches de cheveux collés et slip blanc pour Duke (Mark Burnham), et front bosselé surplombant une moustache grise pour Rough (Eric Judor). Pour ne rien gâcher de la fête, chaque élément revêt un délicieux côté vintage, des couleurs délavées de la photographie au casting (Eric Roberts, révélé en 1984 dans le Pape de Greenwich Village ; Ray Wise et Grace Zabriskie, inoubliables comédiens de Twin Peaks en 1990), en passant par le son — très 90’s, logique quand on se souvient que Dupieux a été l’un des artisans de la French Touch sous le pseudo de Mr Oizo. Les basses sont effectivement lourdes et l’on effectue un véritable périple musical à chaque fois que Duke met ses écouteurs, qu’il allume son autoradio, ou que Rough lance son morceau censé devenir phare… Le spectateur se retrouve ainsi avec l’impression d’être alternativement dans et hors du film, d’un point de vue musical, mais aussi scénaristique. Malgré quelques fils rouges (un magazine porno gay qui a tendance à tomber dans les mauvaises mains, un voisin à l’agonie transbahuté de voiture en appartement…), la cohérence n’est pas de mise et le nonsense est, une fois encore, au cœur du film. Tout comme la réalisation, alternant plans serrés, plans larges, mais aussi arrêts sur image. Si l’on a souvent employé — à tort et à travers — l’expression « objet filmique non identifié », elle trouve là sa raison d’être.

Guillaume Arias

Dans les salles : Wrong Cops (France – 1h25) de Quentin Dupieux, avec Mark Burnham, Eric Judor, Marilyn Manson…