Yves Schemoul – Etrusques quand même à la Non-Maison
Les ombres du soir
Yves Schemoul expose quatre « non-formes » à la Non-Maison. Ombres ou évocations antiques ancrées dans une pratique artistique scrupuleuse et contemporaine, ses Etrusques seraient comme des images qui nous relient aux fantômes du passé.
Pourquoi vouloir trouver une interprétation tangible aux images d’Yves Schemoul ? Au premier coup d’œil, ces grandes taches blanches, qui se déclinent sur quatre papiers grands formats, ne ressemblent à rien que l’on soit en mesure de reconnaître. Comme les « pierres de rêves » (1), les œuvres de l’artiste provoquent chez nous étonnement et plaisir esthétique… Mais, chaque acte de perception étant en partie un acte de création, elles impliquent aussi de la part du regardeur un travail presque archéologique pour parvenir à percer leurs mystères. Le titre — Etrusques quand même — nous amène à quelques tentatives d’explications anthropomorphes. Néanmoins, on sent bien que le propos n’est pas là. Alors on cherche dans sa mémoire les images des célèbres nécropoles de Cerveteri et de Tarquinia. Le seul lien que l’on trouve, c’est une image sibylline dans laquelle quelque chose nous échappe encore. Pourtant, les « non-formes » d’Yves Schemoul ont des réminiscences des psychopompes, ces êtres qui accompagnent les âmes vers l’autre monde… Dépourvues de matières, elles se mélangent « chrono-photographiquement » les unes avec les autres grâce aux jeux de transparence, comme pour évoquer, selon l’artiste, l’évolution de « l’homme qui marche de l’Antiquité jusqu’à nous ». Grâce à l’accrochage particulier pensé par l’artiste, les quatre Etrusques aux corps évanescents semblent flotter dans l’espace de la galerie, soumis à des lois physiques aquatiques ou aériennes…
Exécuté au pinceau trempé dans un vernis, le dessin fait apparaître sur le papier une forme diaphane. Ou plutôt une contre-forme, issue de la prégnance du papier et constituée de la matière même de son support. Les différents dessins sont ensuite superposés, photographiés et agrandis. La photo — épreuve pigmentaire tirée à un seul exemplaire — révèle en un instant et en une image les différentes étapes de sa propre constitution. Ce que l’on ne peut pas deviner, c’est que les dessins d’Yves Shemoul sont la résultante « d’une coulure au col d’une jarre qui appartient à l’artiste » reprise au pinceau quatre fois. Il s’agit donc d’un dessin plus ou moins maîtrisé, généré par un geste plus ou moins aléatoire, contrairement au processus méthodique qui suivra cette marque du hasard. Les œuvres d’Yves Schemoul aiment se jouer des contradictions. Elles sont matière et anti-matière, abstractions et figures. Elles interrogent et ramènent à un niveau de premier ordre les aléas ou les à-côtés plastiques, comme le vernis, qui n’a pas vocation « à faire œuvre ». Comme l’écrit François Bazzoli, Yves Schemoul « aime redonner aux détails l’importance qu’ils n’ont pas. »
Céline Ghislery
Yves Schemoul – Etrusques quand même : jusqu’au 30/04 à la Non-Maison (22 rue Pavillon, Aix-en-Pce). Rens. 06 24 03 39 31 / www.galerielanonmaison.com
Notes- Pierres graphiques ou de couleurs, collectionnées en Chine comme de véritables œuvres d’art naturelles.[↩]