Zao-Wou-Ki © Dennis Bouchard

Zao Wou-Ki – Il ne fait jamais nuit à l’Hôtel de Caumont-Centre d’Art

Le goût du jour

 

Il ne fait jamais nuit est l’intitulé du sublime grand diptyque coloré de 2005 qui ouvre la nouvelle exposition de l’Hôtel de Caumont consacrée à Zao Wou-Ki (1920-2013). Nous pourrions rajouter : avec l’art, Il ne fait jamais nuit comme sous-titre implicite à la réouverture du musée après cette si longue fermeture des lieux culturels. Une façon également d’illustrer le travail sur la lumière de l’artiste, clef de voûte de son œuvre.

 

 

Le choix de Caumont pour le peintre franco-chinois Zao Wou Ki semble coïncider avec notre envie fulgurante de sérénité, de calme après l’année si singulière et tourmentée que nous venons de passer. En effet, il se dégage de la plupart de ses tableaux une grâce assortie de quiétude — loin des tourments qui peuplèrent sa vie —, portée par d’incessants va-et-vient entre l’ombre des moments de deuils et la lumière qu’il ne cessera de vouloir capter au plus près de ses coups de pinceaux et sur laquelle repose tout son travail.

L’essentiel de ses créations artistiques est empreint du rapport entre son œuvre et les événements personnels, notamment sentimentaux, qui ont marqué sa vie. Le tableau La ville engloutie est par exemple une métaphore de son couple détruit lorsqu’il se sépare de sa première femme.
En 1972, période très tourmentée qui voit le décès de sa deuxième épouse, il se met à l’encre de Chine sous les encouragements de Henri Michaux. Une technique qu’il n’avait jamais utilisée jusqu’alors, mais à laquelle il fut initié dans sa prime enfance en Chine. Une jonction entre l’écriture, la calligraphie et la poésie. Au cours de son troisième mariage, Zao Wou Ki retourne en Chine ; sa peinture se pare alors de félicité, ses tableaux regorgent de formes célestes.

Selon les périodes de son existence, Zao Wou-Ki s’enferme dans son atelier et peint ses états intérieurs ou rend visite à ses amis en Italie, Espagne ou dans le Sud de la France, traquant encore et encore cette lumière qui l’envoûte avant d’exploser dans ses tableaux.
Quatre-vingt-dix œuvres de 1935 à 2009, huiles sur toile, aquarelles et encres de Chine sur papier provenant de collections publiques et privées, retracent l’itinéraire du jeune peintre chinois, arrivé en France en 1948 puis naturalisé, qui marquera l’abstraction française de la deuxième moitié du XXe siècle. Ce basculement dans l’abstraction, sous l’influence de Klee, marqué par l’utilisation des signes dans ses toiles, sera tardif.

Car son maitre incontesté restera, de ses débuts jusqu’à la fin de sa vie, Paul Cézanne (Paysage Hangzhou, 1946 ; Hommage à Cézanne, 2005). De fait, Zao Wou-Ki se montrera très sensible à la lumière spécifique du soleil du midi de la France ; ses différents séjours dans son atelier du Var, lieu de création entre amis artistes, ou chez Emmanuel Ungaro dans le Luberon, lui feront expérimenter différentes approches de la couleur.

L’idée du commissaire était de montrer des œuvres réalisées dans notre région et notamment à la Cavalerie chez Ungaro. Une série d’aquarelles auréolées de roses et de verts lumineux travaillant « sur le motif » sont présentées pour la première fois à l’Hôtel de Caumont. La derniere salle est un hommage à Cézanne et ferme la boucle commencée par l’œuvre de jeunesse figurative présentée à l’entrée de l’exposition. Une façon flagrante d’admirer le parcours artistique de Zao Wou-Ki.
Il ne fait jamais nuit, que l’on traverse dans la joie d’assister à une belle découverte artistique, se double de trouble face à toutes ces toiles sublimes, des mini mondes intérieurs qui boostent notre imaginaire tout en donnant à voir ce qui ne se voit pas.

 

Marie Anezin

 

 

Zao Wou-Ki – Il ne fait jamais nuit : jusqu’au 10/10 à l’Hôtel de Caumont-Centre d’Art (Aix-en-Provence).

Rens. : www.caumont-centredart.com