Du Port et Dupain

Mis en séance par la cheville ouvrière d’un Dupain reformé pour l’occasion, le documentaire Zone portuaire montre une autre facette des créateurs du vidéo-club d’art et d’essai Vidéodrome, que l’on découvre en brillants réalisateurs.

Le ton est donné d’emblée : via cette imposante passerelle du port de Marseille tournant dans le sens inverse des aiguilles, c’est l’enchevêtrement d’époques que nous sommes amenés à découvrir. Du début du siècle dernier jusqu’aux années 70, le film, entièrement constitué d’images d’archives, nous emmène dans un espace immense où travailleurs, animaux et machines en tout genre s’entassent dans une cohue organisée d’où tout part et où tout arrive. Ce joli capharnaüm nous est décrit à travers des grues majestueuses, de hautes cheminées fumantes et les dockers travaillant les matières premières fraîchement débarquées. On y voit la ville entièrement vouée à son activité maritime et industrielle, mise entre parenthèses lors des nombreux bombardements touchant principalement les quartiers ouvriers. La réussite de ce beau film réside, outre son objet purement documentaire et le travail de la bande-son, dans la poésie que nous offre cette retranscription. Sans jamais tomber dans le discours du « c’était mieux avant », le montage laisse deviner comment d’un espace rempli de vie et de labeur, la « zone portuaire » devient peu à peu le port « autonome ». S’y enchaînent grèves, containers et tankers étrangers. Et à voir les visages des quatre hommes à la fin du film, on comprend facilement pourquoi ils ne rêvent que de s’éloigner, comme ce navire poussé par le vent dans un sublime dernier plan.

Rémy Marlard

Zone portuaire d’Emmanuel Vigne et Julien Chesnel, le 4/10 au Cinéma Le Méliès (Port-de-Bouc).
Rens. 04 42 06 29 77 / cinemelies.fr