Semaine Asymétrique au Polygone Étoilé
Étoile filmante
Du 30 novembre au 3 décembre, la dix-septième édition de la Semaine Asymétrique se déploie derechef au Polygone Étoilé de Marseille. Venant à nouveau prouver que le cinéma-laboratoire de la Joliette reste l’un des lieux européens emblématiques dans la dynamique de réinvention des formes cinématographiques.
Régulièrement, une poignée d’articles ou de rapports viennent fustiger le déficit de créativité dans la production cinématographique distribuée en salles. Et au-delà, le peu de visibilité des films qui continuent à réinventer les formes (on songe dernièrement au dernier opus d’Alexandre Sokourov, l’incroyable
Fairytale, dont la sortie fut dramatiquement confidentielle). Plusieurs facteurs nous conduisent à ce constat : les modes de production et de fabrication des films, les pressions d’un système industriel coercitif, la frilosité des salles face à une situation toujours fragile, et plus globalement, le besoin de rassembler un large public sur le plus petit dénominateur narratif commun. Il manque incontestablement, a fortiori dans l’hexagone, où la télévision règne encore en boussole sur la production cinématographique, des lieux-laboratoires : ces espaces collectifs où le cinéma, l’image en mouvement, se fabriquerait, se montrerait, se partagerait, dans une dynamique d’explorations de nouveaux champs d’expression filmique, propres à faire émerger des courants révolutionnaires comme l’histoire du cinéma mondial en a vu émerger fréquemment.
Or un tel lieu existe à Marseille, nous ne cessons de le rappeler dans ces colonnes : durant plus de vingt années d’existence, le Polygone Étoilé a offert au cinéma phocéen ses plus belles pages de diffusion, mais reste bien au-delà ce lieu-laboratoire où l’on entre libre, mais dont on ne ressort jamais réellement indemne. L’un des importants raouts cinématographiques de la structure reste sans conteste la Semaine Asymétrique, qui présentera du 30 novembre au 3 décembre sa dix-septième édition. Présenté comme une
rencontre turbulente, la manifestation arbore une rare liberté : pas de sélection, ni de compétition, le lieu est le réceptacle de propositions cinématographiques le plus fréquemment acheminées par les cinéastes même, souvent présents. Et force est de constater que cette année encore, le Polygone prend la forme de cette goutte d’eau dans laquelle se reflète le monde. Ce sera bien évidemment le cas avec la séance du magnifique film de la grande cinéaste libanaise Jocelyne Saab
Le Bateau de l’exil, un opus de 1982 sur le nouvel exil de Yasser Arafat après le siège israélien de Beyrouth. Durant ces quatre journées frénétiques — qui promettent comme à l’accoutumée de passionnés échanges au sortir des projections —, citons les séances de
Si je t’oublie d’Olivier Derousseau, d’
Un tout petit pays de Pauline Laplace, de
La Mounine ou note après coup sur un ciel de Provence d’Aline Horisberger, de
Toi qui ! de Claire Angelini, de
Film-scénario de Pierre Louapre, de l’
Europe après la pluie de Jérémie Gravayat ou de
Trois rives de Damien Cattinari, sans omettre la séance hors les murs, au Mucem, de l’incontournable
Lettre à la prison, de Marc Scialom.
L’idéal du collectif prendra par ailleurs cette année tout son sens, puisque la Semaine Asymétrique se déplacera du 14 au 16 décembre au Spoutnik de Genève, autre éminent lieu européen d’expérimentations cinématographiques, pour une nouvelle mouture de la manifestation, qui saura entrer parfaitement en écho avec le rendez-vous phocéen.
Emmanuel Vigne
Semaine Asymétrique : du 30/11 au 3/12 au Polygone Étoilé (1 rue Massabo, 2e).