Aftersun (V.O.)

Docu-drama de Lluís Galter (Espagne - 2022 - 1h10)

Dans la promiscuité estivale d’un camping balnéaire, un trio d’adolescentes épie un saisonnier dépressif qui se déguise en ours pour être la mascotte du camping. Leur imaginaire, stimulé par le récit glaçant d’un rapt d’enfant survenu quelques décennies plus tôt, les porte à se convaincre que quelque chose de louche se trame autour de l’homme. Entre exploration documentaire, récit initiatique, polar et conte de fées, Lluís Galter mêle dans la torpeur de l’été les registres narratifs pour construire un objet singulier, séduisant et malaisant. Espionnage par la fenêtre, oreilles collées aux portes, insistance sur des espaces vides : tantôt voyeuriste, tantôt détective, l’œil de la caméra jette le trouble sur les motifs a priori innocents d’une imagerie vacancière des campings dominée par le spectre des disparitions enfantines. Douches de fin de journée, sessions de plage, jeux de cartes… Redoublant l’inquiétante étrangeté de cette succession de motifs, la facture épidermique de la DV Pal se plaît au contact des corps bronzés, fusionne les jambes nues et les herbes hautes, noie dans ses pixels la silhouette nocturne d’un enfant perdu. À l’oreille, le Prélude à l’après-midi d’un faune féérise le tout, jusqu’à ce que les cris survoltés provenant de la piscine du camping l’interrompent brutalement. Les alentours marécageux invitent à des virées nocturnes transformées en exploration d’une jungle hostile. Le cri d’un butor d’Amérique devient la complainte inquiétante de fantômes enfouis dans les sables, où l’on finira par retrouver le garçon disparu. La trame synesthésique et morcelée d’Aftersun est celle d’un rêve d’enfant après une longue journée de vacances, où les découvertes sur la vie sexuelle des adultes s’enchevêtrent à la naïveté des jeux et les chroniques de faits divers aux légendes locales. C’est une dérive organique et étrange où les histoires se chevauchent, où des adolescentes à l’imagination débordante se défont de leur enfance en jouant à se faire peur.

— Claire Lasolle

 

Cinéma Le César
Le dimanche 2 octobre 2022 à 20h
6/8 €
www.actoral.org
4 place Castellane
13006 Marseille
08 92 68 05 97
04 91 37 12 80